La France a fait le choix de suspendre le service national mais n'a pas voulu priver ses jeunes de connaissances sur les principes et les réalités de la défense de la France, des Français et des valeurs de la République. Le parcours de la citoyenneté, qui a remplacé l'appel sous les drapeaux, comprend le recensement de tous les jeunes de 16 ans, l'enseignement de la défense (à l'école, au collège et au lycée) et la journée défense et citoyenneté (JDC). Ce blog est consacré à l'enseignement de la défense au Lycée Uruguay-France, à l'histoire militaire de la région d'Avon et de Fontainebleau, au devoir de mémoire, aux relations entre les armées et la nation, et aux métiers proposés par les acteurs de la sécurité et de la défense.

10 novembre 2015

97e anniversaire de l'armistice du 11 novembre 1918


Deux élèves de 2e du Lycée Uruguay-France Imane ATIQ et Maëva MOKA ont lu un texte, choisi avec leur professeur Mme MICHEL-SKORUPKA.

Extrait du carnet de guerre d'Alfred CHAMPIN, un seine-et-marnais de 21 ans : « Attaque du piton des Éparges en février 1915 »

À 3 heures nous mettons sac au dos et nous partons occuper la tranchée de 1ère ligne, on est le premier bataillon. Arrivés là nous plaçons les échelles sur le bord de la tranchée. Le bombardement est un vrai feu roulant, on ne peut pas s’entendre causer que d’oreille à oreille. Une équipe de génie commence à couper nos fils de fer.
Nous continuons sur la deuxième ligne sans rencontrer de résistance. Il n’est pas un mètre de terrain où il n’y ait un trou d’obus. Ce n’est que cadavres allemands dans la tranchée de deuxième ligne. Il est 4 heures 30 et nous sommes arrêtés par un barrage d’obus de 77 et de 105 que les boches nous envoient. La première vague est arrêtée sur la troisième position et est aux prises avec les réserves allemandes.
À minuit l’ennemi nous bombarde de plus en plus et nous concluons qu’il va sûrement contre attaquer au petit jour.
C’est un déluge de feu et de fer qu’ils nous envoient. Et comme calibre, c’est du 150, 210 et 305. Des hommes sont coupés en plusieurs morceaux quand ils se trouvent à portée de ces éclats fantastiques qui coupent mieux que des couteaux de boucher et nous nous attendons toujours nous serrant plus près les uns des autres, attendant notre dernière heure qui va peut-être sonner tout à l’heure.
Encore un quart d’heure et l’on monte sur la tranchée. J’ai déjà plusieurs camarades de blessés avec les 75. Enfin l’heure est arrivée tout le monde a mis la baïonnette au canon. La 1ère vague est montée, nous sommes 100 mètres derrière elle. Nous faisons une dizaine de prisonniers dans la première ligne allemande si on l’appelle première ligne car ce n’est qu’un chaos de terre, de planches, de sacs à terre.
À 8 heures du matin les Allemands nous contre attaquent en masses profondes on en voit sortir tout partout. Nous tirons tout ce qu’on a de cartouches. Les Boches tombent par centaine mais il y en a tellement que nous fléchissons. C’est alors le cri de sauve qui peut et la débandade à travers la plaine. Je prends mon fusil d’une main ma pelle de l’autre mais je suis obligé d’abandonner mon sac, et je me sauve.
On se replie jusqu’à la première tranchée française ; ligne d’où nous sommes partis la veille. Tout ce qu’on avait gagné la veille est reperdu en 1 heure. C’est comme si l’on avait rien fait c’est à recommencer.
Nous sommes pourtant là des gars qui n’ont pas froid aux yeux mais devant ce bombardement notre carcasse tremble et les cris des blessés et des mourants nous donnent la peur.



Discours pour le 11 novembre 2015
 par Marie-Charlotte NOUHAUD, maire d’Avon

Madame la Conseillère régionale,
Madame la Conseillère départementale,
Monsieur le Président de la Communauté de communes,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les représentants des autorités militaires et civiles,
Mesdames et messieurs les représentants des associations patriotiques,
Mesdames et messieurs,

Avant le déclenchement de la grande catastrophe que fut la Première Guerre mondiale, Avon était une petite ville d’un peu plus de 3 000 habitants blottie entre Fontainebleau et la forêt.
En 1914 les Avonnaises et les Avonnais étaient artisans, blanchisseuses, bûcherons et surtout maraichers.
Albert BOUÉ était l’un de ceux là. Albert est né dans le domicile familial à Avon le 18 septembre 1890. Lorsqu’il a passé le conseil de révision l’année de ses 20 ans, les militaires ont remarqué le « teint coloré » du visage d’un jeune homme qui travaillait dehors. Bon pour le service Albert a été affecté en 1911 dans la cavalerie, au 1er régiment de dragons. Libéré en 1913, Albert n’a pas eu le temps de profiter beaucoup de la vie civile puisqu’il est affecté dans un bataillon de chasseurs à pied lors de la mobilisation le 3 août 1914. Albert est tué au combat lors de l’éclatement d’une grenade le 1er septembre 1916 dans la Somme, un peu avant d’avoir 26 ans.
Albert avait un jeune frère, Marcel, né lui aussi à Avon le 15 novembre 1891. Marcel était lui aussi maraicher. Marcel avait comme son frère le teint coloré. Marcel avait une fossette au menton.
Marcel était comme son frère « bon pour le service » et il a été incorporé au 89e régiment d’infanterie, à Sens, le 9 octobre 1912. Suffisamment instruit il devint soldat de 1e classe puis caporal le 8 novembre 1913.
Marcel est encore sous les drapeaux lorsque la guerre éclate ; il est de tous les combats. Marcel est porté disparu en avril 1918, au moment où les armées alliées subissent le déferlement d’une armée allemande qui jette dans la bataille toutes ses forces dans une ultime tentative de percée. Marcel BOUÉ grièvement blessé est mort peu avant l’Armistice, le 21 octobre 1918, dans un hôpital du département du Nord.
Etienne BOUÉ et son épouse Marie-Clémentine ont perdu deux fils pendant la Grande Guerre. Deux fils inhumés dans des cimetières lointains. Deux fils réunis seulement par leurs noms gravés sur le monument qui est derrière moi.
Albert, Marcel, Etienne et Marie-Clémentine sont le symbole des immenses souffrances engendrées par la guerre. Souffrance du soldat, souffrance du blessé, souffrance de l’agonisant sur son lit d’hôpital... mais aussi douleur des parents.
Depuis 1920 les Avonnais commémorent ici les soldats « morts pour la France ». Pensons aussi à la souffrance des survivants qui se réunissaient devant ce monument pour se souvenir, ensemble, de leurs fils, époux, pères, frères morts pour la France, morts pour que cette guerre soit la dernière des guerres.
Comme tous les villages et toutes les villes de France, Avon s’est vêtu de noir pendant des décennies. Du noir du deuil des veuves et des orphelins.
Qu’ils soient aussi associés à notre souvenir.