Deux élèves de 2e du Lycée Uruguay-France Imane ATIQ et Maëva MOKA ont lu un texte, choisi avec leur professeur Mme MICHEL-SKORUPKA.
Extrait du carnet de guerre d'Alfred CHAMPIN, un
seine-et-marnais de 21 ans : « Attaque du piton des Éparges en février 1915 »
À 3 heures nous mettons sac au dos et nous partons
occuper la tranchée de 1ère ligne, on est le premier bataillon.
Arrivés là nous plaçons les échelles sur le bord de la tranchée. Le
bombardement est un vrai feu roulant, on ne peut pas s’entendre causer que
d’oreille à oreille. Une équipe de génie commence à couper nos fils de fer.
Nous continuons sur la deuxième ligne sans
rencontrer de résistance. Il n’est pas un mètre de terrain où il n’y ait un
trou d’obus. Ce n’est que cadavres allemands dans la tranchée de deuxième
ligne. Il est 4 heures 30 et nous sommes arrêtés par un barrage d’obus de 77 et
de 105 que les boches nous envoient. La première vague est arrêtée sur la troisième
position et est aux prises avec les réserves allemandes.
À minuit l’ennemi nous bombarde de plus en plus et nous
concluons qu’il va sûrement contre attaquer au petit jour.
C’est un déluge de feu et de fer qu’ils nous envoient. Et
comme calibre, c’est du 150, 210 et 305. Des hommes sont coupés en plusieurs
morceaux quand ils se trouvent à portée de ces éclats fantastiques qui coupent
mieux que des couteaux de boucher et nous nous attendons toujours nous serrant
plus près les uns des autres, attendant notre dernière heure qui va peut-être
sonner tout à l’heure.
Encore un quart d’heure et l’on monte sur la tranchée.
J’ai déjà plusieurs camarades de blessés avec les 75. Enfin l’heure est arrivée
tout le monde a mis la baïonnette au canon. La 1ère vague est
montée, nous sommes 100 mètres derrière elle. Nous faisons une dizaine de
prisonniers dans la première ligne allemande si on l’appelle première ligne car
ce n’est qu’un chaos de terre, de planches, de sacs à terre.
À 8 heures du matin les Allemands nous contre attaquent
en masses profondes on en voit sortir tout partout. Nous tirons tout ce qu’on a
de cartouches. Les Boches tombent par centaine mais il y en a tellement que
nous fléchissons. C’est alors le cri de sauve qui peut et la débandade à
travers la plaine. Je prends mon fusil d’une main ma pelle de l’autre mais je
suis obligé d’abandonner mon sac, et je me sauve.
On se replie jusqu’à la première tranchée
française ; ligne d’où nous sommes partis la veille. Tout ce qu’on avait
gagné la veille est reperdu en 1 heure. C’est comme si l’on avait rien fait
c’est à recommencer.
Nous sommes pourtant là des gars qui n’ont pas froid aux
yeux mais devant ce bombardement notre carcasse tremble et les cris des blessés
et des mourants nous donnent la peur.
Discours pour le 11 novembre 2015
par Marie-Charlotte NOUHAUD, maire d’Avon
Madame la Conseillère régionale,
Madame la Conseillère départementale,
Monsieur le Président de la Communauté de communes,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les représentants des autorités militaires et
civiles,
Mesdames et messieurs les représentants des associations patriotiques,
Mesdames et messieurs,
Avant le déclenchement de la grande catastrophe que fut la Première
Guerre mondiale, Avon était une petite ville d’un peu plus de 3 000
habitants blottie entre Fontainebleau et la forêt.
En 1914 les Avonnaises et les Avonnais étaient artisans,
blanchisseuses, bûcherons et surtout maraichers.
Albert BOUÉ était l’un de ceux là. Albert est né dans le domicile familial
à Avon le 18 septembre 1890. Lorsqu’il a passé le conseil de révision l’année
de ses 20 ans, les militaires ont remarqué le « teint coloré » du
visage d’un jeune homme qui travaillait dehors. Bon pour le service Albert a
été affecté en 1911 dans la cavalerie, au 1er régiment de dragons.
Libéré en 1913, Albert n’a pas eu le temps de profiter beaucoup de la vie
civile puisqu’il est affecté dans un bataillon de chasseurs à pied lors de la
mobilisation le 3 août 1914. Albert est tué au combat lors de l’éclatement
d’une grenade le 1er septembre 1916 dans la Somme, un peu avant
d’avoir 26 ans.
Albert avait un jeune frère, Marcel, né lui aussi à Avon le 15 novembre
1891. Marcel était lui aussi maraicher. Marcel avait comme son frère le teint
coloré. Marcel avait une fossette au menton.
Marcel était comme son frère « bon pour le service » et il a
été incorporé au 89e régiment d’infanterie, à Sens, le 9 octobre
1912. Suffisamment instruit il devint soldat de 1e classe puis
caporal le 8 novembre 1913.
Marcel est encore sous les drapeaux lorsque la guerre éclate ; il
est de tous les combats. Marcel est porté disparu en avril 1918, au moment où
les armées alliées subissent le déferlement d’une armée allemande qui jette
dans la bataille toutes ses forces dans une ultime tentative de percée. Marcel
BOUÉ grièvement blessé est mort peu avant l’Armistice, le 21 octobre 1918, dans
un hôpital du département du Nord.
Etienne BOUÉ et son épouse Marie-Clémentine ont perdu deux fils pendant
la Grande Guerre. Deux fils inhumés dans des cimetières lointains. Deux fils
réunis seulement par leurs noms gravés sur le monument qui est derrière moi.
Albert, Marcel, Etienne et Marie-Clémentine sont le symbole des
immenses souffrances engendrées par la guerre. Souffrance du soldat, souffrance
du blessé, souffrance de l’agonisant sur son lit d’hôpital... mais aussi
douleur des parents.
Depuis 1920 les Avonnais commémorent ici les soldats « morts pour
la France ». Pensons aussi à la souffrance des survivants qui se
réunissaient devant ce monument pour se souvenir, ensemble, de leurs fils,
époux, pères, frères morts pour la France, morts pour que cette guerre soit la
dernière des guerres.
Comme tous les villages et toutes les villes de France, Avon s’est vêtu
de noir pendant des décennies. Du noir du deuil des veuves et des orphelins.
Qu’ils soient aussi associés à notre souvenir.