La France a fait le choix de suspendre le service national mais n'a pas voulu priver ses jeunes de connaissances sur les principes et les réalités de la défense de la France, des Français et des valeurs de la République. Le parcours de la citoyenneté, qui a remplacé l'appel sous les drapeaux, comprend le recensement de tous les jeunes de 16 ans, l'enseignement de la défense (à l'école, au collège et au lycée) et la journée défense et citoyenneté (JDC). Ce blog est consacré à l'enseignement de la défense au Lycée Uruguay-France, à l'histoire militaire de la région d'Avon et de Fontainebleau, au devoir de mémoire, aux relations entre les armées et la nation, et aux métiers proposés par les acteurs de la sécurité et de la défense.

25 janvier 2010

L'école d'application d'artillerie de Fontainebleau (1871-1940)

L'histoire de l'école d'application de l'artillerie à Fontainebleau est étroitement liée aux défaites françaises devant les armées prussiennes puis allemandes.

Installée à Metz par Bonaparte alors Premier consul depuis 1802, l'école a été évacuée le 15 août 1870 sur Paris afin de ne pas être enfermée dans la ville menacée de siège par l'armée prussienne. Après la guerre et l'annexion de l'Alsace et de la Moselle, l'école d'application de l'artillerie et du génie est (re)créée à Fontainebleau le 11 décembre 1871.

En 1912 l'école d'application du génie est créée à Versailles. L'école de Fontainebleau est rebaptisée "école d'application d'artillerie".


Le quartier des Héronnières

 L'école se répartit en de nombreux sites dans la ville, toujours près du château. Le commandement, les bureaux et les salles de cours sont installés dans le bâtiment des "Héronnières"(photo ci-dessus). Les élèves quant à eux sont logés au-dessus des écuries du "carrousel". Un peu plus tard l'école s'agrandit en englobant d'autres dépendances du château : le quartier Henri IV où sont les chambres des sous-lieutenants, et le pavillon des Princes pour les aspirants.
Le pavillon Henri IV, entrée de l'Ecole d'application d'artillerie (carte postale datée de 1903)
Cavaliers émérites, les élèves officiers participent à des événements équestres comme le saut d'obstacle (ci-dessous en 1911), le dressage ou encore le "raid" hippique.


Pour les exercices pratiques, c'est-à-dire le tir au canon, un polygone est créé dans la forêt alors que les sapeurs du génie construisent des éléments de fortification au lieu-dit du "mail Henri IV.
L'instruction très variée ; outre les exercices extérieurs (écoles à feux, batteries attelées, services en campagne, équitation, etc.) le programme comprend : histoire et géographie militaires, cours de mécanique, étude de la manoeuvre des machines, cours d'hippologie, cours de dessin, coupes géologiques de terrain, étude de l'aéronautique, applications de l'électricité, leçons facultatives de bicyclette, conférences sur le "rôle social de l'officier"; en 1913, cours sur les automobiles.

Le 8 mai 1913, le roi d'Espagne Alphonse XIII et le Président de la république française Raymond Poincaré en viste officielle à Fontainebleau viennent assister à l'école d'artillerie à des démonstrations de tir au canon.


La mobilisation et les premiers mois de la guerre en 1914 interrompent les activités de l'école. A partir de 1915, les besoins sont tels que l'instruction reprend à un rythme soutenu jusqu'en 1918.

Entre les deux guerres mondiales l'école reprend son rôle et forme des officiers d'artillerie dont les profils sont différents : élèves officiers d'active issus de l'école polytechnique ou de Saint-Cyr, élèves officiers de réserve, officiers subalternes sortis du rang pendant la Grande guerre et désirant poursuivre une carrière militaire...

Les installations de l'école s'agrandissent, en particulier celles concernant le centre d'instruction automobile et le cours d'équitation (on comptait près de 700 chevaux en 1939).

En juin 1940, afin d'éviter sa capture par les soldats allemands, l'école doit à nouveau se replier. Elle est recréée en août 1940 à Nîmes, en zone non occupée, autour d'un petit noyau d'officiers venus de Fontainebleau. L'invasion de la zone libre par l'armée allemande en novembre 1942 oblige encore une fois l'école à quitter les lieux. A partir de 1943, les aspirants artilleurs sont formés à Cherchell en Algérie.

La France libérée, l'école ne retourne pas à Fontainebleau. En 1945, elle est recréée à Idar Oberstein en Allemagne. Fin 1952, l'école d'application de l'artillerie prend ses quartiers à Châlons-sur-Marne. Elle y séjourne jusqu'en 1976, année où elle s'installe à Draguignan. Le 1er août 2009, l' école d'application d'artillerie (EAA) devient l'école d'artillerie (EA).

La citation à l'ordre de l'armée (croix de guerre avec palme) décernée à l'école d'application de l'artillerie de Fontainebleau témoigne du rôle prestigieux qui fut le sien de 1871 à 1940 et de la valeur des cadres sortis de son sein :
"Après avoir, aux jours tragiques de juin 1940, dû abandonner son cadre traditionnel de Fontainebleau, a affirmé sa volonté de combattre jusqu'au bout en envoyant une poignée de ses jeunes artilleurs se battre avec héroïsme pour la défense des ponts de la Loire, à côté de leurs camarades de Saumur et de Saint-Maixent. Sur tous les champs de bataille de France, d'A.F.N., d'Italie et d'Allemagne, aussi bien qu'aux marches lointaines de l'union française, dans les rangs de la résistance ou dans les camps de déportation, les cadres qu'elle avait formés se sont magnifiquement comportés, prouvant par le sacrifice de plus de neuf cent officiers d'artillerie dont treize généraux, que leur école d'application restait digne de son long passé de gloire, valeur et abnégation. A ainsi pris une part importante dans la victoire."