Originaire du Sénégal, Léopold Sédar Senghor fait
des études littéraires à Paris. Versé en 1939 dans un régiment de Tirailleurs
sénégalais, il est fait prisonnier le 20 juin 1940 et enfermé dans le camp
d'Amiens. C'est là qu'il compose en septembre ce poème inspiré par l'Appel du
18 juin.
Guélowâr !
Nous t'avons écouté, nous t'avons entendu avec les oreilles de notre cœur.
Lumineuse, ta voix a éclaté dans
la nuit de notre prison
Comme celle du Seigneur de la brousse, et quel frisson a parcouru l'onde de
notre échine courbe !
Nous sommes des petits d'oiseaux
tombés du nid, des corps privés d'espoir et qui se fanent
Des fauves aux griffes rognées, des soldats désarmés, des hommes nus.
Et nous voilà tout gourds et gauches comme des aveugles sans mains.
Les plus purs d'entre nous sont morts : ils n'ont pu avaler le pain de honte.
Et nous voilà pris dans les rets, livrés à la barbarie des civilisés
Exterminés comme des phacochères. Gloire aux tanks et gloire aux avions !
Nous avons cherché un appui, qui croulait comme le sable des dunes
Des chefs, et ils étaient absents, des compagnons, ils ne nous
reconnaissaient plus
Et nous ne reconnaissions plus la France.
Dans la nuit nous avons crié notre détresse. Pas une voix n'a répondu.
Les princes de l'Église se sont tus, les hommes d'État ont clamé la
magnanimité des hyènes
« Il s'agit bien du nègre ! il s'agit bien de l'homme ! non !
quand il s'agit de l'Europe. »
Guélowâr !
Ta voix nous dit l'honneur l'espoir et le combat, et ses ailes s'agitent dans
notre poitrine
Ta voix nous dit la République, que nous dresserons la Cité dans le jour bleu
Dans l'égalité des peuples fraternels. Et nous nous répondons : « Présents, ô
Guélowâr ! »
Édith Thomas, avec ce poème écrit en juillet 1943, appelle
à la Résistance. C'est une des figures actives de la Résistance, une membre
active du Comité national des écrivains, des Lettres françaises.
Lève-toi et marche...
Peuple mort, peuple muet,
peuple muré, peuple affamé,
avec un gros poids de pierre sur la tête
et sur le cœur ;
Peuple du métro de tous les jours,
avec ses chaussures de bois,
et son livre qu'il lit, comme on s'évade
par une fenêtre ouverte, un jour de printemps.
Peuple français, peuple roumain,
peuple bulgare, peuple grec,
peuple serbe, et toi, peuple allemand,
quand le temps sera-t-il venu ?
La liberté n'a-t-elle plus de nom
elle qui chaque matin était plus belle,
comme une femme qu'on aime
est plus jeune chaque matin.
La liberté qui faisait crouler les châteaux
et qui faisait lever les faux,
et battre les fausses justices,
la liberté n'a-t-elle plus de nom pour toi, ce matin ?
Peuple sous le tas de pierre du silence.
Peuple aux lèvres serrées,
peuple aux membres brisés,
au corps pantelant sous les bottes
qui s'éloignent sur le trottoir,
le miracle ne viendra que de vous
et personne d'autre que vous ne dira
comme à Lazare en son tombeau :
" Lève-toi et marche... "
Les élèves d'Uruguay-France ont aussi participé au fleurissement des tombes des soldats avonnais "morts pour la France".
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